Derrière la porte | Le plaisir selon Jonathan

Derrière la porte | Le plaisir selon Jonathan

La Presse vous propose chaque semaine un témoignage qui vise à illustrer ce qui se passe réellement derrière la porte de la chambre à coucher, dans l’intimité, loin, bien loin des statistiques et des normes. Aujourd’hui : Jonathan*, mi-quarantaine


C’est un sujet qui le passionne, auquel il réfléchit depuis toujours, carrément « au centre de sa vie », notamment depuis qu’il a appris à cibler ce qu’il aime, à le nommer, et à inviter sa partenaire à faire de même.

Or, il n’est pas facile pour les gars en général, ni pour Jonathan en particulier, de parler de ce genre de sujets intimes. D’où son souhait d’aborder la question ici.

« Je n’ai pas l’impression qu’on en parle souvent, du plaisir au masculin, débute le discret quadragénaire, en couple et heureux depuis 10 ans, installé dans un café étudiant du centre-ville dernièrement. Entre gars, on n’en parle pas. Parce que quand tu parles de plaisir, il faut que tu te montres vulnérable. Or, les gars, on a du mal à se montrer vulnérables… »

Cette notion de vulnérabilité reviendra plusieurs fois pendant l’entretien, soyez averti, plus théorique que pratique. Jonathan a beaucoup réfléchi à la question, et ça paraît. « Mais je parle au je, précise-t-il. Ça n’engage que moi ! »

Il nous a écrit plus tôt cet hiver en réaction au témoignage d’une certaine Blanche*, qui racontait avoir toujours aimé la sexualité, même toujours pris son pied.



Lisez l’article « Le plaisir selon Blanche »

Comme cette Blanche, souvenez-vous, Jonathan a commencé ses explorations « tout habillé » avec sa toute première copine. « On faisait l’amour habillé, c’était comme ça, on se frottait jusqu’à l’orgasme. » Non, ce n’était pas « pratique », dit-il en riant, mais le plaisir était néanmoins « partagé ». Et puis ça avait le mérite de leur permettre d’y aller à leur rythme, « sans aller trop vite ».

La relation dure plus de 10 ans – « c’est la mère de mes enfants » – sauf que malgré ses débuts prometteurs, sexuellement parlant, ce ne sera jamais « facile ». On ne s’éternisera pas là-dessus, pour cause : « c’est une fois qu’on n’a plus été ensemble que j’ai pu expérimenter et avoir du fun », enchaîne-t-il.

L’exploration

C’est au tournant de la trentaine que ça se passe. Jonathan se met à dater. Il papillonne quelques années. « Et j’ai adoré ça », précise-t-il. « J’adore les rencontres, la découverte, je suis un voyageur et j’adore découvrir le monde. Ça me ramenait un peu à ça, le dating. »

Au lit, Jonathan ne le cache pas, « au début, c’était un peu spécial, ma blonde avait été ma seule partenaire ! » Mais il s’en tire assez bien, et assez rapidement. « Je me suis ouvert et j’ai été plus à l’aise. » Au lit, surtout, il explore enfin, avec des aventures d’un soir ou des relations de quelques semaines. Premier constat :

Je suis responsable de mon plaisir. Dans une relation sexuelle, on est chacun responsable de son plaisir. Et cela veut dire qu’il faut se connaître et l’exprimer !

Jonathan, mi-quarantaine

Ça a l’air évident dit comme ça et pourtant, c’est un gros « changement de mind-set [état d’esprit] » pour lui, après des années à penser qu’il était « responsable du plaisir de l’autre ». Des années à penser qu’il fallait qu’il « devine ». « Parce que ce n’est pas toujours dit ! »

Ce constat en amène un deuxième. « Mon plaisir est important, alors je vais le communiquer pour amener l’autre à communiquer le sien. Parce que ça va dans les deux sens : c’est aussi ma responsabilité de poser des questions. »

C’est un peu comme aller au restaurant, illustre ici Jonathan : « Tu échanges, tu parles, mais tu laisses l’autre commander son plat. Ou alors tu lui demandes : est-ce que tu veux que je commande pour toi ? » Si c’est le cas, il suffit de l’exprimer, et Jonathan va prendre les « devants » (à table ou au lit, on l’aura compris).

Cette réflexion lui est venue tout naturellement, en réfléchissant à ce qui lui plaît, lui fait plaisir. « Et je me suis demandé quel était le moyen d’y arriver. » Quoi, par exemple ? « Ce qui sort du traditionnel ou du génital et de la pénétration, illustre-t-il. Il y a un monde à l’extérieur de ça ! » On y reviendra.

Parce qu’« avant d’aller là », reprend Jonathan, qui a de toute évidence beaucoup intellectualisé la chose, « la sexualité pour moi, c’est vraiment un équilibre donneur/receveur ». Proposant une analogie avec un massage, au lieu d’un restaurant, cette fois : « C’est plus facile de donner ou recevoir, moins facile de faire les deux en même temps », dit-il. Cette réflexion l’amène à réaliser qu’on vit peut-être en plein « malentendu » sexuel en matière de pénétration, soi-disant « summum de la sexualité » dans l’imaginaire populaire, ajoute-t-il. En effet, l’acte impose d’être « à la fois donneur et receveur, et non pas en pleine conscience ! » Pas facile ici de s’abandonner au plaisir, en tout cas pas pour Jonathan : « comme se masturber en joggant, c’est plus difficile ! », illustre notre interlocuteur, visiblement amateur d’analogies. Troisième constat :

Il faut que je protège les moments où je suis receveur.

Jonathan, mi-quarantaine

Énième constat (on a perdu le fil) : selon Jonathan, il existe deux types de plaisir, soit le plaisir physique et le plaisir mental. Dans le corps ou dans la tête. « Mais si tu es dans ta tête, dit-il, tu n’es pas dans le ressenti de ton corps, tu n’es pas présent. » On comprend que quand il se met en mode « donneur », il est aussi davantage dans sa tête. « Alors qu’en mode receveur, je me mets disponible, c’est un mode de vulnérabilité où je peux me laisser aller, je ne suis plus dans ma tête en train d’essayer de contrôler quelque chose. »

Il y a plus ou moins 10 ans, quand il a rencontré sa blonde actuelle, la chimie sexuelle était « très forte ». « C’était toujours une exploration, on était toujours dans la découverte, c’était toujours exaltant ! dit-il en riant. C’était vraiment beau. On jouait beaucoup avec ça. »

Ils roulent à fond à ce régime pendant quelques années, avant qu’arrive la périménopause de madame. « Mais ça a toujours été facile, on parle beaucoup, on agit moins, disons. »

Cela étant dit, oui, Jonathan a appliqué toutes ces réflexions avec elle. Nous y voici. « Et on a fait plein de découvertes ! Rien de super weird, il y a des gens plus aventureux, mais j’ai découvert ma prostate, avec elle on a exploré ça, puis d’autres parties, comme mes seins, comme quoi tout peut être sensuel et érotique. Il faut juste y être sensible », dit-il.

Ah oui, et si vous voulez tout savoir, Jonathan est aussi assez « vocal ». « Pour un homme, le fait de jouir vocalement, et pas seulement au moment de l’orgasme, il y a quelque chose de très intime, tu démontres une vulnérabilité, et les gars ont du mal avec ça, en général… » Parce que cela va à l’encontre du modèle du mâle dominant, en contrôle et en pleine possession de ses moyens, sans doute, avance-t-il.

Toujours est-il que de son côté, oser la vulnérabilité, s’abandonner dans son plaisir (physique), vocalement de surcroît, loin du modèle dominant acquis, a drôlement servi Jonathan. S’il n’y a qu’une chose à retenir de son témoignage, c’est bien cela : « J’ai beaucoup plus de plaisir au lit ! »

* Prénoms fictifs, pour protéger leur anonymat



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Auteur : Silvia Galipeau

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